Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ceres Univers
22 octobre 2008

Chapitre 3 : Lena - Le visage de la Comtesse

Voici donc le troisième chapitre de l'histoire ;) Fini l'introduction, nous entrons dans le vif du sujet.
Ecrire une histoire à quatre main déroge aux règles usuelles, d'où cette construction qui peut peut-être dérouter certains d'entre vous. N'hésitez pas à nous dire s'il y a quelque chose qui vous gêne ou quelque chose que vous ne comprenez pas, car c'est important pour la suite.

Bonne lecture à vous ^^

(PS : attention, mise en page très espacée. Impossible de refaire la même que sur mes pages word, toutes les remarques de dialogues sont séparées d'une ligne. J'espère vite trouver la solution à ce problème -_-')

Chapitre 3 : Lena - Le visage de la Comtesse

 _Mademoiselle, debout allez !

 _Hummm…

Un rayon de soleil m’a ébloui alors que j’étais enfin assoupie entre mes draps et j’ai deviné une silhouette passer près de moi pour tirer la deuxième paire de rideau de ma chambre. J’ai attrapé mon oreiller en bougonnant, peu réceptive à la bonne humeur d’Amae.

 _Il est déjà tard, le soleil est haut dans le ciel !

 _…tant mieux pour lui…

 _Ne soyez pas médisante, allez !

J’ai eu un profond soupir en ouvrant un œil : elle se tenait là devant moi, les poings sur les hanches. Il était difficile de croire qu’elle avait mon âge tant elle pouvait paraître mature. De longs cheveux toujours noués, les manches sans cesse retroussées – sauf lorsqu’elle m’accompagnait à l’extérieur – le visage fin et des yeux pétillants, c’était une jeune fille joyeuse et pleine de bonne volonté. 

_Je vous ai fait préparer un bon bain à la lavande, comme vous aimez.

_Humm…

J’ai cédé à contre-cœur : j’avais eu une nuit relativement courte et quelques heures de sommeil en plus ne m’aurait pas déplu. Mais Amae était très stricte, j’étais debout tous les jours à 8 heures.

 _Dire que vous vous leviez à l’aube il y a quelques temps encore. Vous vous encroûtez mademoiselle.

 _Humm…je crois aussi…merci.

Elle m’a tendu un peignoir de soir particulièrement doux et je me suis levée en luttant pour ne pas me recoucher. Elle avait tout à fait raison : mon entraînement au monastère était en train de partir en morceau avec tout ce luxe et ce confort. Je devenais faignante…

 _Quel est le programme de la journée ?

 _Lecture oratoire de la duchesse de Nork jusqu’à l’heure du déjeuner que vous devez passer avec madame Imini et madame Xyo. Ensuite, vous avez quartier libre jusqu’à ce soir.             

 _Grand dieu, rappelle-moi de me noyer…

Elle a eu un rire en poussant le paravent qui protégeait l’entrée de la salle de bain et j’ai découché un bac rempli d’eau chaude parfumé à la lavande. Je regrettais toujours le jardin du monastère à cette odeur…la saison n’était pas celle du lilas heureusement…

 _Mademoiselle, votre bras !

 _Hum ?

Amae a poussé un cri de surprise quand j’ai laissé le peignoir échouer à mes pieds pour pouvoir entrer dans l’eau. J’ai baissé les yeux et j’ai aussitôt grimacé en découvrant une coupure sans doute faite cette nuit. Je me disais bien que cet antiquaire était parvenu à me toucher…

 _Ce n’est rien, une égratignure !

 _Vous avez beaucoup d’égratignure de la sorte ces derniers temps, me fit-elle remarquer alors que je m’asseyais avec délectation dans cette eau chaude, vous êtes plus maladroite que dans mes souvenirs !

J’ai eu un sourire amusé à son air renfrogné alors qu’elle ramassait mon peignoir d’un geste sec. Elle a levé les yeux vers moi et les a aussitôt baissé d’un air gêné en remarquant que je la regardais.

 _Pardon…je sais que cela ne me regarde pas…

 _J’apprécie ta compassion, rassure-toi. Mais n’aie crainte, ce n’est pas bien grave.

 _Vous allez devoir porter un ensemble à manche longue pour cacher cette blessure. Imaginez ce que l’on pourrait dire…

J’ai eu un rire sonore en me laissant couler de l’eau sur l’épaule. Je m’étais battue cette nuit…encore…

 _Cela ne fera qu’une rumeur de plus, me suis-je moquée, cela fait longtemps que cela ne me touche plus. Mais d’accord pour l’ensemble aux manches longues. Les journées sont fraîches ces derniers temps…

 _Je m’en occupe.

Elle m’a salué et a contourné le paravent d’un pas rapide. J’ai eu un soupir et j’ai fermé les yeux pour me laisser couler au fond du bac. J’ai regardé la nappe d’eau s’abattre au-dessus de moi et des petites bulles sont remontées à la surface à ma première inspiration.

Cela faisait deux ans maintenant que j’étais de retour à Primera. Le Seigneur était venu à ma rencontre comme promis dans sa lettre et je m’étais bien retrouvée face à lui dans un coin reculé de l’île, en plein milieu de ses terres. Il était plus grand que je ne l’aurais imaginé, couvert d’un long manteau qui lui donnait un air plus imposant que dans la réalité. Visage sec, longs cheveux ramenés à l’arrière du crâne, il était exactement comme le portrait que m’avait montré Kiran dans l’un des couloirs du monastère.

Il m’a longuement observé comme s’il avait vu un fantôme, comme s’il n’imaginait pas que j’allais grandir un jour. Je suis restée plantée devant lui sans savoir quoi faire d’autre que de supporter son regard…il m’a ensuite fait signe de m’avancer et m’a présenté un petit coffret en bois nacré. Je ne l’imaginais pas m’offrir quelque chose dès mon arrivée, cela ne ressemblait pas à l’idée que je m’étais faite de lui. Et je n’avais pas tord.

 _A partir de cet instant, tu porteras ce masque.

Je suis restée interdite lorsqu’il a ouvert le coffre où se trouvait un loup blanc, juste assez grand pour me couvrir le haut du visage.

 _Ne vois pas ceci comme une punition, me dit-il lorsque je l’ai regardé sans y croire, mais plutôt comme une protection. Beaucoup de mon conseil se demande bien pourquoi je t’ai fait revenir. Ils ignorent tout de toi, de tes origines à ta fonction de Main Noire.

 _Et en quoi me cacher le visage va me protéger des hommes de votre cour ?

Il a légèrement reculé la tête à ma remarque et a eu du mal à cacher un sourire satisfait.

 _Ne serait-ce que pour ta vertu, me répondit-il sans plaisanter, avant de se renfermer, mais aussi parce que je te le demande.

J’ai de nouveau baissé les yeux vers le masque qui semblait avoir été fait pour moi : blanc, fin, terriblement banal mais fait avec soin.

 _Je vois. Quoiqu’il arrive, je resterai l’enfant de la honte !

J’ai mis ce masque d’un geste franc et il m’a de nouveau dévisagé en cachant à peine un soupir.

 _Tu ne risqueras rien si tu fais exactement ce que je te dis, reprit-il d’une voix sombre, que ce soit en tant que Comtesse qu’en tant que Main Noire.

 _En tant que Comtesse ?

Je l’ai suivi dans des couloirs vivement éclairés de torche, taillés directement dans la pierre. Sans doute des tunnels à usage personnel.

 _Tu es ma fille, tu as des droits. Je t’offre le comté de Kju, une des îles les plus riches mais aussi des plus tranquilles. Je te conseille d’ailleurs de rendre visite le plus vite possible à ceux qui entretiennent tes terres pendant ton absence…

Je n’ai rien dit, stupéfaite. Alors ça allait être ça ma vie : jouer les potiches de Comtesse cachée derrière un masque pour éviter d’attirer d’avantage la honte sur lui ? et obéir à ses ordres quand il décidera de se débarrasser de quelqu’un ? bon sang…le monastère semblait si loin…

 _Mademoiselle, tout va bien ?

J’ai émergé de mon bac et j’ai repoussé mes cheveux quand la voix d’Amae s’est faite entendre de manière étouffée.

 _Mademoiselle ?

 _Oui oui je…j’arrive.

Je me suis essuyée le visage d’une main en me pinçant le nez et j’ai attrapé mon peignoir pour sortir de l’eau. Je me suis emmitouflée à l’intérieur et j’ai rejoint ma chambre où deux femmes refaisaient mon lit en discutant joyeusement. Amae m’a présenté une chaise et m’a invité à m’asseoir devant la coiffeuse. Le masque de mon père se trouvait là, simplement posé sur un mouchoir blanc. Je l’ai mis avec soin pendant qu’Amae me séchait les cheveux avec douceur. Elle était bien la seule personne dans ce palais qui avait vu mon visage en entier. Elle avait été affecté à mes soins dès mon arrivée et nous nous étions rapidement bien entendues. Il lui avait fallu un bon moment pour s’ouvrir totalement, mais elle tenait à garder une distance en me vouvoyant toujours.

 _Vous semblez soucieuse…

J’ai repris mes esprits alors qu’elle soulevait mes cheveux maintenant longs, pour les attacher en chignon.

 _Ce n’est rien…sans doute de la fatigue.

Elle a souri avec un air compatissant, quand du mouvement et des bruits de pas se sont fait entendre dans le couloir qui menait à mes appartements. J’ai aussitôt froncé les sourcils et Amae m’a abandonné pour aller voir une des jeunes filles qui est venue lui donner des nouvelles au creux de l’oreille.

 _Faites-le patienter, lui dit-elle d’un ton aimable mais sec, la Comtesse change de toilette.

 _Bien mademoiselle.

Elle est revenue vers moi, inquiète.

 _Qui a-t-il ?

 _Monsieur Icheki est venu vous rendre visite.

 _Le secrétaire du seigneur en personne ?…en voilà une surprise ! Passe-moi mon ensemble s’il te plait, j’aimerai éviter de le faire attendre.

 _Tout de suite.

Je me suis levée et elle m’a aidé à m’habiller, comme si je n’étais pas capable de le faire moi-même, et s’est placée derrière moi pour bien serrer la ceinture large qui devait m’entourer la taille. J’ai tiré sur le bord de mes manches pour être sûre qu’elles soient bien à la bonne taille et j’ai vérifié la teneur de mon masque avant qu’Amae aille accueillir le secrétaire de mon père.

Monsieur Icheki était un noble déjà accusant un certain âge, discret, érudit, à l’œil de fouine et aux oreilles de chat. Un homme de confiance du seigneur à qui ce dernier confiait les taches administratives les plus importantes. Et souvent les plus ingrates. Il était aussi au courant de toutes ses décisions, puisque c’est lui qui les couchait sur papier…en somme, un être qui ne payait pas de mine et dont on se méfiait peu, mais qui avait pourtant de grands pouvoirs.

Il était tellement discret et affable que je ne savais dire ce que je représentais pour lui : un danger, une simple fille, un amusement…il me traitait juste avec respect sur un ton de grand-père.

 _Comtesse Oma…pardon de venir vous importuner de si bonne heure, mais j’ai un message de notre Seigneur.

 _Vous êtes toujours le bienvenu chez moi vous le savez, ais-je déclaré en l’invitant à s’asseoir près d’une table dressée pour les visites, mais vous n’auriez pas du vous déplacer si vite, j’aurai très bien pu venir à vous.

 _Oh l’exercice matinal est tout ce qui a de bon pour un homme de mon âge, me dit-il d’un ton chevrotant, et notre seigneur a été très précis à ce sujet, il craignait que vous ayez déjà des projets pour ce soir.

J’ai froncé les sourcils et un sourire s’est dessiné sur ses lèvres. Amae a été assez délicate pour nous faire servir du thé encore chaud et il n’a pas tardé à boire une gorgée sans faire de bruit.

 _Je n’ai rien prévu pour ce soir non, ais-je déclaré pour le forcer à accélérer le mouvement, agacée par sa petite comédie d’homme vieillissant, pourquoi ?

 _…parce que notre seigneur a organisé un dîner privé auquel vous êtes hautement conviée.

J’ai moi-même bu une gorgée de thé, les yeux rivés sur lui. Cela ne présageait rien de bon. En deux ans de présence, je n’avais été « invité » avec insistance que trois fois par mon père, et c’était toujours pour ce genre de dîner dit privé. Dîner qui rassemblait tout de même conseillers, héritiers des plus grandes familles, moi et…mon demi-frère, le prince Eisaku, l’héritier officiel de l’Ordre. Le genre de dîner qui était là pour parler affaire et finance…je me suis toujours demandée pourquoi il tenait à ce que je sois là, vu que je ne servais à rien dans ces circonstances et que je m’y ennuyais comme un rat mort. Certes, j’écoutais les conversations avec la discrétion qui était la mienne et j’apprenais beaucoup de choses intéressantes, mais de là à être invitée…

 _J’imagine que je n’ai pas le choix…

 _J’ai bien peur que non, me lança poliment monsieur Icheki en reposant sa tasse de thé maintenant vide, d’où ma présence en une si belle matinée. Je n’ai pas le droit de partir sans l’affirmation de votre présence pour ce soir.

 _Je vois…

J’ai lancé un regard explicite à Amae qui est restée polie mais qui ne devait pas en penser moins que moi.

 _Dans ce cas…je serai prête. A quelle heure ?

 _20 heures, comme d’habitude. Désirez-vous que je vous envoie du monde ?

 _Non merci, je préfère me déplacer seule. Mais j’apprécie votre geste, merci.

J’ai terminé mon thé quand il a pris congé, toujours en jouant les petits vieillards inoffensifs. Je lui aurai bien fait avaler sa tasse au passage, mais je suis restée parfaitement maître de moi-même. A part que maintenant, ma soirée était fichue…

Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité