Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ceres Univers
2 novembre 2008

Chapitre 5 : Lena - Dans la pénombre de la Cour

Voici le chapitre suivant de cette aventure :) On retrouve alors Lena dans une situation fort désagréable. Peu à peu, la toile se tisse autour de nos deux héros, j'espère que vous prendrez plaisir à lire cette histoire.

Bonne lecture à vous ^^

PS : comme vous pouvez le voir, toujours ce souci de mise en page. Impossible de savoir d'où ça vient...-_-'

Chapitre 5 : Lena - Dans la pénombre de la Cour.

J’avais envie de dormir. La journée avait été ennuyeuse à mourir et maintenant que les choses étaient censés s’accélérer, j’avais envie de dormir.

 _Mademoiselle ?

 _Hum ?

J’ai repris mes esprits quand Amae m’a senti partir. Elle était en train de me coiffer pour le dîner privé de mon père et ses massages du cuir chevelu ne m’aidaient pas à retenir mon attention.

 _Pardon…j’étais ailleurs.

 _C’est ce que j’ai cru comprendre, se moqua-t-elle gentiment en faisant glisser le fermoir d’une broche dans mon chignon avant de la fermer d’un geste sec, faites attention de ne pas vous assoupir pendant le repas tout de même, cela ferait mauvais genre.

J’ai eu un sourire maladroit.

 _Avec le prince Eisaku dans les parages, je ne risque pas de fermer l’œil.

 _Est-ce bien raisonnable d’y aller en sa présence ?

 _Tu as entendu le secrétaire ? mon refus n’est pas à l’ordre du jour.

J’ai pu admirer son travail et je me suis levée pour qu’elle puisse m’aider à enfiler le manteau en tissu fin qui devait m’aider à supporter les fraîcheurs de la nuit. Un gros truc inutile à mon sens mais qui était à la mode depuis quelques temps chez les femmes de la cour. Et en tant que Comtesse et bâtarde du Seigneur, je n’avais pas le choix. Je devais faire partie de la mode.

 _J’espère au moins que le chef est en forme. Parce que j’ai une faim de loup !

 _Vous ne risquez pas d’être déçue, les dîners du Seigneur ont la réputation d’être les meilleurs de toute l’archipel.

 _Tu veux que je te ramène quelque chose ?

Elle s’est légèrement mise à rosir et j’ai eu un petit rire amusé.

 _Je te ferai parvenir un morceau de tarte au citron va. Un énorme morceau.

 _…merci…

Elle est devenue rouge pivoine le temps que je fasse un tour sur moi-même pour vérifier la teneur de mon ensemble. J’en aurai ri si je ne l’avais pas trouvé aussi attendrissante.

 _Mademoiselle ?

Une des jeunes filles de mon entourage s’est légèrement avancée et s’est inclinée pour pouvoir prendre la parole. J’ai caché un soupir d’agacement : qu’est-ce que je détestais toutes ces manières…je n’avais rien de plus qu’elles, elles n’avaient pas besoin de tout ce protocole pour venir me parler.

 _Le baron Lonaki est venu à votre rencontre. Dois-je le faire patienter ?

 _Le baron…juste quelques instants dans ce cas, je ne serai pas longue.

 _Bien mademoiselle.

Elle est retournée dans la pièce voisine et j’ai pris une longue inspiration pour éviter de me vider de cette mauvaise énergie qui était en train de m’envahir. Non je devais garder mon calme…

 _Il n’abandonne jamais celui-là décidément ! ais-je bougonné dans mon coin tandis qu’Amae repliait mon col avec soin, je pensais pourtant avoir été assez claire la dernière fois !

 _Avec tout le respect que je vous dois mademoiselle, je crains que cela ne suffise pas. Vous êtes un excellent parti : beaucoup d’hommes aimeraient avoir votre pouvoir.

J’ai eu un rire nerveux qui lui ai fait froncer le nez.

 _De quel pouvoir parles-tu ? celui de défricher une petite île fort agréable ? ou de jouer les potiches pour mieux plaire à mon père ? Crois-moi, si c’est ça le pouvoir, je veux bien le donner au premier venu !

 _Ne soyez pas bête ! Vous savez que vous valez mieux que ça !

J’ai sursauté à son cri soudain et j’ai haussé un sourcil. Elle a préféré tourner la tête, énervée. J’oubliais qu’elle-même était une fille de la haute bourgeoisie et qu’elle avait évité un mariage arrangé en entrant à mon service.

 _Désolée Amae, je ne voulais pas…

Je n’ai pas fini ma phrase, mal à l’aise. J’ai préféré faire demi-tour pour ne pas avoir à m’excuser davantage et j’ai ouvert les doubles portes avec largesse. Le baron Lonaki, Shion de son prénom, m’attendait là, les mains dans le dos à faire les cents pas comme un homme-lion en cage.

Lonaki…c’était un noble séduisant et il le savait. Avec quelques années à peine de plus que moi, il avait déjà un beau palmarès de prétendantes à son actif et il comptait bien me rajouter à sa liste. Il ne cessait de me tourner autour comme s’il attendait à ce que je lui tombe dans les bras comme une pauvresse en détresse. J’avais plutôt envie de lui mettre mon pied là où je pensais, mais je ne pouvais pas lever le pied aussi haut avec cet ensemble.

 _Ah Lena ! Vous êtes ravissante !

 _Baron…

 _Shion, je vous l’ai déjà dit cent fois, Shion. Nous pouvons nous appeler par nos noms depuis le temps que nous nous connaissons.

 _Très bien…Shion. A quoi dois-je l’honneur de votre visite ?

 _Je suis venu vous servir de chevalier servant, dit-il avec un sourire qui se voulait sans doute avenant, j’ai moi-même eu la chance d’être invité au dîner du seigneur. Nous y allons ?

Il m’a présenté son bras et j’ai eu un mal fou à retenir un soupir fatigué. Je m’en suis saisie avec un petit sourire forcé et il m’a tout de suite entraîné dans les couloirs du palais pour m’éloigner le plus vite possible de mes appartements. Je ne pouvais déjà plus faire demi-tour…

 _Dites-moi…quels sont vos projets pour la fête de l’An ?

Je l’ai regardé du coin de l’œil quand il a pris la parole après quelques minutes de silence à peine.

 _La fête de l’An ? Vous visez loin !

 _Je suis prévoyant de nature, me dit-t-il en continuant de me guider dans les méandres du palais comme si j’étais atteinte de cécité, et je sais que vous avez passé les deux précédentes cérémonies seule, dans vos appartements.

 _Je n’étais pas seule, ais-je cru bon de préciser, ma demoiselle de compagnie était là, ainsi que certaines de…

 _Oui certaines de vos employés, je sais. Mais Lena, je parle d’une vraie fête, avec des gens de votre rang ! C’est bien plus amusant qu’une simple soirée au grès du feu et de vos lectures !

 _Je m’amuse lors de mes pauvres soirées de lecture ! me suis-je agacée en arrêtant le pas, que croyez-vous ?!

 _Et bien…

 _Au cas où vous n’auriez pas encore compris, je ne suis pas une mondaine ! Et mes « employés » comme vous dites, me sont de bien meilleure compagnie que des gens de mon rang, puisque cette formule semble vous plaire !

Il s’est pincé les lèvres quand j’ai repris mon bras d’un geste sec. J’ai repris la marche d’un pas saccadé et il a soufflé quelques secondes avant de me rattraper d’une petite course.

 _Très bien, très bien, je vous présente mes excuses. Je ne voulais pas vous vexer.

 _Nous ne sommes pas du même monde Shion, et ce n’est pas une question de titre !

 _Je sais, je sais, vous avez vos propres valeurs. Et je les respecte ! se rattrapa-t-il désespérément en galopant derrière moi, oublions ma proposition pour le moment ! Vous ne voudriez pas arriver fâchée au dîner de votre père, n’est-ce pas ?

J’ai ralenti le pas à contre-cœur, touchée par ce dernier argument.

Il m’a de nouveau proposé son bras avec son regard avenant dès qu’il a pu me rattraper. Il a tiré sur le haut de son costume pour retrouver sa contenance et j’ai pris une longue inspiration pour effacer ces envies de meurtre qui m’envahissait alors à son égard.

« Crétin… »

Les grandes portes de la salle de bal étaient à présent devant nous, fermement gardées par deux soldats taggués au sigle de l’Ordre de Rei.

Ces derniers ont écarté leur lance lorsqu’ils ont reconnu mon masque et nous ont laissé le passage avec politesse. Un brouhaha explicite s’est bientôt fait entendre : nous n’étions pas les premiers arrivés. Il y avait déjà moult ministres, conseillers et têtes de fortune.

Bien sûr, tous se sont tus à notre entrée lorsque le porte-voix a clamé mon nom au-dessus de leurs têtes.

C’était bien la partie que j’éprouvais le plus : quand tous me dévisageaient avec intérêt, agacement, énervement, indifférence ou jalousie. A cet instant précis, j’appréciais le port de mon masque. C’était comme une barrière entre eux et mon intimité.

 _Comtesse ! En voilà une surprise !

Madame Imini s’est levée du canapé des invités et a bousculé quelques personnes pour venir à ma rencontre. Nous nous étions vues ce midi mais c’était comme si elle ne m’avait pas parlé depuis des semaines.

 _Oh, très joli manteau ! C’est du satin ?

 _Il me semble oui.

 _Il me faut abso-lu-ment le même ! Oh ça ne vous dérangerait pas, n’est-ce pas ?

 _Bien sûr que non. Evitez juste de prendre la même couleur, afin d’éviter nous prenne pour des jumelles.

 _Ah ah vous plaisantez n’est-ce pas ? Etant donné mon âge, il serait bien flatteur que l’on me confonde avec vous !

Je n’arrivais pas à déterminer s’il s’agissait d’un jeu ou de sa véritable nature. Mais je ne parvenais pas à me méfier d’elle. Elle était le produit même des femmes de cette île : élevée pour être une bonne épouse ou une bonne concubine, cultivée mais juste ce qu’il fallait pour tenir une conversation. Les femmes de cette génération étaient incapables de s’occuper des hautes affaires ou bien même de commerce. Elles devaient prendre sur elles pour combattre ce machisme décadent qui me donnait plus envie de crier qu’autre chose. Mon sang de bâtarde me laissait au moins une certaine liberté que d’autres devaient gagner à la sueur de leur front. C’était peut-être mon plus grand avantage.

 _Duchesse Aniko.

 _Comtesse Lena ! Ravie de vous voir. Enfin un visage souriant dans cette foule de vieillards aigris.

La duchesse Aniko faisait justement partie de ces quelques femmes qui étaient parvenues à se défaire du joug de leur père et mari pour monter leurs propres affaires et ainsi pouvoir s’asseoir à côté des grands officiers de Primera. Elle avait un certain âge qu’elle cachait habillement avec crèmes et onguents qui lui donnaient déjà vingt ans de moins. Elégante mais sûre, elle avait gagné le respect de quelques conseillers. Même mon père lui parlait avec considération. Elle était cependant assez intelligence pour ne pas s’en vanter.

 _Mais asseyez-vous voyons ! déclara-t-elle en me désignant le fauteuil qui se trouvait face à elle, et dîtes-moi ce que vous pensez de ce vin. Il vient directement de mes cépages.

Elle a fait signe à un serviteur qui s’est empressé de me servir un verre du nectar rouge. Je n’ai pas osé refuser alors que je supportais mal l’alcool.

 _Merci.

 _Je vois que vous êtes venue en compagnie de notre cher Baron Lonaki, me dit-elle presque aussitôt en portant son propre verre à ses lèvres, on dirait qu’il ne vous lâche plus.

 _Ne m’en parlez pas…il est certes agréable, mais il a des idées bien arrêtées qui…

 _…vous énerve ? me coupa-t-elle d’un air moqueur, ne le blâmez pas trop vite Comtesse, ces idées arrêtées sont celles de son père et de son grand-père. Vous ne pouvez pas les effacer simplement parce que vous le voulez.

 _Et pourquoi pas ? ais-je relevé en goûtant le vin du bout des lèvres, il faut bien le vouloir pour pouvoir les changer.

 _Voyez-vous ça !

Elle m’a longuement dévisagé au-dessus de son verre, puis a esquissé un large sourire le posant doucement sur le bras du canapé, le regard lointain.

 _A chaque fois que vous parlez ainsi, vous me rappelez une amie d’enfance. Elle aussi espérait changer les choses à force de les bousculer.

 _…et elle y est parvenue ?

 _En partie, acquiesça-t-elle en s’approchant de la table, mais elle n’a pas vécu assez longtemps pour parvenir totalement à ses fins.

 _…j’en suis désolée…

 _Allons, vous n’avez pas à l’être ! déclara-t-elle en retrouvant sa bonne humeur, tout ceci s’est passé il y a déjà tellement longtemps !…

J’ai froncé les sourcils à son air nostalgique. C’était bien la première fois que je la voyais dans cet état.

 _Mesdames et messieurs ! Le seigneur Tenno et son fils, le prince Eisaku !

Le porte-parole a frappé le sol de son bâton et nous nous sommes tous figés. Les doubles portes se sont alors ouvertes, poussées par les gardes.

Nous nous sommes levés et tournés vers l’entrée en silence quand le long manteau rouge bordeaux de mon père s’est dessiné sur le sol. Il est apparu, toujours aussi majestueux, ses longs cheveux attachés et le visage apaisé.

Mon demi-frère Eisaku, était son sosie en manteau gris. Cheveux plus courts et visage plus rond, il ne portait pas la dureté dans ses traits comme notre père, mais dans ses yeux. Des yeux qui cherchaient quelqu’un dans l’assistance et qui sont rapidement tombés sur moi. Ils sont restés rivés jusqu’à ce que je fasse révérence comme tous ceux qui se trouvaient dans la salle. Il m’a toisé un petit instant, comme s’il s’attendait à ce que je tombe en pâmoison devant lui, puis est vite passé à autre chose pour venir à la rencontre des Conseillers qui s’impatientaient déjà.

Je me suis de nouveau inclinée quand notre père s’est tourné vers nous mais il a levé une main pour arrêter mon geste. Il semblait refuser le fait que je baisse les yeux devant lui. Devant lui ou devant cette foule, je ne savais pas.

 _Icheki m’a dit que cette invitation ne t’avait pas transporté de joie.

 _…vous ne m’avez pas vraiment laissé le choix…ais-je murmuré pour éviter que tous nous entendent.

Les oreilles étaient toutes tournées vers nous, je le sentais. Le seigneur qui discutait ainsi avec sa bâtarde devant l’assemblée…c’était tellement rare que cela devait être noté dans les annales du royaume !

 _Je suis bien obligé d’agir ainsi si je veux te faire sortir de tes appartements, me fit-il remarquer en redressant légèrement le menton d’un air dominateur.

J’ai senti le reproche dans le ton de sa voix. J’ai pris une inspiration pour éviter de dire quelque chose que je pourrai regretter par la suite, quand j’ai senti les yeux de mon demi-frère me brûler la nuque. Le simple fait de me voir parler ainsi avec notre père devait le rendre fou…

 _Tu t’asseiras à ma gauche pendant le dîner, déclara ce dernier avec calme et discrétion sans faire attention au regard foudroyant du prince, je compte sur toi pour ménager tes nerfs devant tous nos invités.

Il m’a ensuite dépassé d’un pas large et élégant et tous les Conseillers se sont aplatis devant lui dans un même élan. Ce serait au premier qui oserait lui adresser la parole et obtenir ainsi son attention…

 _…bien, père. Si tel est votre souhait…

J’ai attrapé le verre de vin de la Duchesse Aniko et je l’ai avalé d’un trait pour me donner du courage.

La soirée allait être longue…

Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité